Ça ne passe plus !
IL N’EST PAS ENCORE TROP TARD par Normand Provencher, omi
AVRIL 2021
La transmission de la foi est en panne depuis quelques décennies, et on ne voit pas trop comment rétablir le courant. Lors des célébrations du baptême et des funérailles, on constate que l’héritage chrétien est devenu très mince et que la « mémoire chrétienne » s’estompe. Aux funérailles, la bonne nouvelle de la résurrection laisse place à une célébration d’adieu à la personne décédée et à un rappel de ce qu’elle a accompli et qu’on ne voudrait pas oublier. Le baptême devient parfois la célébration de l’accueil d’une nouvelle vie dans la famille, sans référence au mystère pascal ni à la communauté chrétienne.
Plus qu’un héritage
Au Québec, on était catholique ou protestant de naissance. C’était une affaire de famille. La foi se transmettait comme un patrimoine culturel qui passait de génération en génération, sans remise en question. Le tissu social, imprégné du christianisme, était étroitement lié à des institutions et à des formes de penser et d’agir. Or, cette culture chrétienne, devenue discrète et presque absente, ne transmet plus la foi.
La tâche de la pastorale est réduite souvent à l’enseignement des vérités du Credo et à l’initiation sacramentelle. De nos jours, cette approche est loin d’inspirer la foi. Cependant, bien des gens s’impliquent dans des démarches spirituelles et s’intéressent aux questions éthiques. Mais cette quête du spirituel et des valeurs est de moins en moins rattachée à l’Église, qui a des concurrents plus crédibles et plus habiles dans le domaine de la communication.
D’autres manières de vivre la foi
Après 20 siècles d’histoire, on pourrait affirmer que le cœur de l’Évangile y est écrasé par trop de doctrines et de pratiques de dévotion, dans lesquelles s’entremêlent données importantes et secondaires. L’Église est appelée à retrouver l’Évangile et à le faire entendre et goûter dans toute la fraîcheur de ses commencements. Cette source de lumière sur Dieu et sur le bonheur des humains est loin d’être tarie.
Durant les trois premiers siècles, les chrétiens n’avaient pas de lieux de culte et « ils rompaient le pain à domicile » (Actes 2,46). Avec un peu d’imagination et d’audace, on pourrait susciter de nouveaux espaces de prière et des petits groupes de partage de l’Évangile, de réflexion, d’hospitalité et d’entraide. Puisque les célébrations de la messe et des sacrements n’attirent plus les gens en quête d’intériorité et de spirituel, il est possible de mettre en œuvre d’autres manières de célébrer la foi. Avec des adolescents qui se sentent incompris et qui ont perdu l’estime d’eux-mêmes, il serait bon de prendre le temps de vivre une célébration de réconciliation, dans une ambiance de partage et d’authenticité. Les couples qui ont quelques années de mariage souhaitent certainement avoir l’occasion de redire leur « oui » de jadis. Avec des personnes malades, pourquoi ne pas vivre une célébration de guérison? Les personnes qui prennent de l’âge apprécieraient une célébration d’action de grâce, au soir de leur vie, pour tout ce qu’elles ont reçu et donné. Et toutes ces initiatives, pour une large part, seraient exercées par des laïques, hommes et femmes. Ainsi, selon les demandes du pape François, l’Église serait moins cléricale et moins dépendante du nombre de prêtres.
Les hommes et les femmes d’aujourd’hui accepteront le message chrétien dans la mesure où ils l’expérimenteront comme crédible, bon et apportant une lumière introuvable ailleurs. « Oui, c’est bon et vrai ! » Tant que nous n’entendons pas cette exclamation, la foi chrétienne n’est pas transmise.