C’est une langue belle
ÉDITORIAL par Stéphane Gaudet, rédacteur en chef
Septembre 2021
Le gouvernement du Québec a déposé ce printemps à l’Assemblée nationale le projet de loi 96 sur la langue française. Chose rarissime, il a été bien accueilli par tous les partis politiques à Québec… et à Ottawa ! Un mois plus tard, le gouvernement fédéral a lui aussi déposé aux Communes un projet de loi pour l’égalité réelle du français et de l’anglais. La nécessité de protéger et de promouvoir le français fait maintenant consensus, ce n’est plus un enjeu qui divise comme autrefois.
Certains trouvent que ces projets de loi ne vont pas assez loin pour assurer la pérennité du français. Disons-le, aucune loi, si exhaustive soit-elle, ne garantira à elle seule la survie du français. On ne peut pas non plus rendre l’immigration allophone responsable de l’avenir de notre langue; il dépend d’abord et surtout de nous, francophones.
Pourtant, beaucoup d’entre nous vivent dans l’idée que « l’anglais, c’est mieux que le français ». Ils ne regardent que des films et des séries en anglais sur Netflix, jamais rien de notre culture, ils écrivent sur Facebook en anglais, ne lisent qu’en anglais, se font tatouer des mots anglais dans leur chair, donnent des prénoms anglais à leurs enfants… Bref, ils vivent en anglais. Comment exiger des nouveaux arrivants qu’ils vivent en français et aiment notre langue si les francophones eux-mêmes ne le font pas ? C’est d’une hypocrisie !
L’anglicisation en douceur des francophones est causée par leur propre anglomanie. Il est inquiétant que tant de francophones disent tatoo au lieu de tatouage, faire du sens au lieu d’avoir du sens, chest au lieu de torse, challenge au lieu de défi, bon matin au lieu de bonjour… Pourquoi utiliser des anglicismes alors qu’il existe des mots tout à fait français pour dire la même chose ? Il n’y a aucune raison de dire et de faire en anglais chez nous ce qui peut être dit et fait dans notre langue. La protection et la promotion du français passent par la fierté des francophones de l’utiliser, mais aussi par leur souci de le bien parler et de le bien écrire.
Depuis presque 130 ans, la revue Notre-Dame-du-Cap est publiée en français. Une édition anglaise a certes paru de 1941 à 1981, mais le nombre d’abonnés très modeste et en décroissance constante a rendu impossible de poursuivre l’aventure après 40 ans. Alors que de plus en plus de livres de spiritualité et de ressources sur le Web sont accessibles en anglais, nous continuerons à nourrir votre foi chrétienne dans la langue qui est la nôtre. C’est une langue belle, si belle… C’est notre façon à nous de contribuer à la continuité du fait français en ce coin d’Amérique.
Vouloir vivre en français n’est pas un repli sur soi, c’est au contraire défendre la diversité culturelle et linguistique contre la domination planétaire d’une seule langue et de sa culture.