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Femmes en Église — Entre révolution et stagnation

REPORTAGE par Philippe Vaillancourt – Présence/Information religieuse

          JUIN 2021

Le dossier de la place des femmes en Église est tout sauf figé. En février, le pape a nommé la xavière française Nathalie Becquart au poste de sous‐secrétaire du Synode des évêques, un rôle qui permettra – pour la première fois – à une femme de voter lors du prochain synode.

Religieuse priant dans la grotte de l’église de la Nativité à Bethléem

PHOTO: CNS PHOTO/DEBBIE HILL

En janvier, François avait officialisé les fonctions de lectorat et d’acolytat pour les femmes. En 2020, il a créé une nouvelle commission chargée d’examiner la possibilité d’ordonner des diaconesses. Mais parallèlement, le dossier des religieuses abusées, qui a fait l’objet de nombreux articles et reportages en 2019, a rappelé à quel point de nombreuses femmes se sentent encore traitées comme des inférieures au sein de l’Église. Alors, révolution ou désespérante stagnation ?

« Des choses ont été améliorées », reconnaît Eileen Perry, responsable des communications et répondante à la condition des femmes pour l’Église de Gaspé. « Mais ce n’est pas gagné », ajoute-t-elle aussitôt. Bien que les dossiers internationaux captent plus aisément l’attention, elle porte son regard sur l’Église du Québec, où elle redoute une fragilisation de la place accordée aux dossiers touchant les femmes. Le réseau des répondantes, qui a suscité beaucoup « d’espérance » à ses débuts dans les années 1980, ne comprend aujourd’hui que cinq femmes officiellement mandatées parmi les 19 diocèses québécois. Est-ce à dire que la situation des femmes est aujourd’hui plus fragile qu’il y a quelques années  ? « Ça dépend des endroits, ça dépend avec qui elles travaillent », nuance-t-elle après un long silence. « Pour celles qui veulent rester à laver les nappes d’autel… eh bien, la vie est belle. Mais pour celles qui veulent plus de parole, ça n’a pas tellement changé. »

Blocages théologiques

Impliquée en justice sociale et en entraide internationale depuis de nombreuses années, Suzanne Loiselle, sœur  auxiliatrice, ne s’en cache pas : ses  espoirs de voir la situation des femmes s’améliorer au sein de l’Église sont pratiquement nuls. « Il faudra qu’une forme d’Église meure pour qu’une autre naisse, en repartant de la base, en intégrant des expériences significatives de femmes qui réfléchissent », dit-elle. « Ils ont beau nommer des femmes à des postes au Vatican, ça ne change pas grand-chose. C’est de l’ordre du diachylon sur une grosse plaie. Je ne comprends pas qu’elles acceptent de jouer un tel rôle », se désole-t-elle.

Elle attribue la situation actuelle à des « blocages théologiques ». Il serait temps, selon elle, d’avoir des « ecclésiologies plurielles » reflétant « un monde pluriel ».

La formation, élément clé

La sociologue Marie-Andrée Roy, professeure au département de sciences des religions de l’UQAM, faisait partie des fondatrices de la collective L’autre Parole, en 1976. Elle observe que les femmes sont certes invitées à remplir certains rôles au sein de l’Église, mais souvent pour soutenir la structure actuelle.

Elle estime que la formation des femmes demeure un élément clé du débat, car c’est la porte d’entrée vers des postes au sein de l’Église. « Mais une fois formées, il faut un travail. Il n’y a pas une grande capacité à payer des laïques, on demande des bénévoles. La main d’œuvre féminine reste importante, mais la capacité d’embauche diminue. Celles qui sont formées plafonnent: elles ne pourront jamais atteindre de hauts niveaux de responsabilité », analyse-t-elle.

Il devient plus difficile de se former en théologie au Québec, note-t-elle, alors que le portrait du monde académique dans ce domaine a beaucoup évolué vers les sciences religieuses au cours des deux dernières décennies. « On a besoin de théologie vivante, réflexive, critique, si on veut jouer pleinement notre rôle. Il faut des conditions pour réaliser le changement. Mais pour cela, il faut arriver à le penser. On a besoin de femmes et hommes qui exercent ce métier et qui sont capables d’alimenter une réflexion critique », insiste-t-elle. Un enjeu d’autant plus prégnant que les communautés religieuses féminines, qui agissaient souvent comme le bras humanitaire et charitable de l’Église, s’éteignent tranquillement, laissant un terrain de plus en plus occupé par des groupes conservateurs très portés sur les questions de morale sexuelle.

Eileen Perry : « Pour celles qui veulent plus de parole, ça n’a pas tellement changé. »

PHOTO: COURTOISIE

Évolution positive

La présidente de l’Assemblée des responsables de la formation et de l’accompagnement – Agent(e)s de pastorale laïques (ARFA­APL), Audrey Boucher, rappelle que les postes d’agent de pastorale laïques (APL) sont largement occupés par des femmes au Québec. Selon des données de mars 2021, un peu plus de 300 des quelque 400 APL sont des femmes.

Elle croit qu’il y a eu une «évolution positive» pour les femmes dans l’Église québécoise depuis plusieurs années. «Ça s’est globalement amélioré, dit-elle. Il y a encore du chemin à faire du côté de la gouvernance, pour avoir plus de femmes dans des instances décisionnelles, dont le conseil de l’évêque ou le conseil presbytéral. Dans la hiérarchie, on dit parfois qu’il n’y a pas assez de femmes. Mais sur le terrain, ça manque de gars!», souligne-t-elle pour attirer l’attention sur l’équilibre à chercher à tous les niveaux.

Mme Boucher, qui siège de facto au conseil de l’évêque en tant que coordonnatrice de la pastorale au diocèse de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, rappelle qu’il est possible de voir le verre à moitié plein ou à moitié vide.

« Si on regarde la société dans laquelle on vit, ça fait pitié. C’est culturellement loin de ce qu’on a intégré ici. Mais si on regarde l’Église, des portes s’ouvrent, qui peuvent amener d’autres changements. Cela se fait lentement et à petits pas dans l’Église. Est-ce que je regarde ça avec cynisme ? Si je veux persévérer dans l’Église, je dois tenir compte du chemin parcouru. Le pape est un allié. C’est déjà beaucoup de dire ça ! »

Surtout, précise-t-elle, s’il y a encore autant de femmes qui s’engagent dans l’Église, ce n’est pas pour le côté institutionnel. « C’est à l’Église du Christ qu’on s’engage. »

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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