Foi chrétienne et politique
IL N’EST PAS ENCORE TROP TARD par Normand Provencher, o.m.i.
MARS 2020
Autrefois le curé du haut de la chaire encourageait les fidèles à aller voter. Il ne s’adressait qu’aux hommes puisque les femmes, au Québec, n’ont eu le droit de voter qu’en 1940. Le prêtre ne pouvait pas se permettre d’influencer les gens, tout au plus de leur rappeler « que le ciel est bleu et que l’enfer est rouge».
La foi chrétienne a-t-elle un rôle à jouer dans la politique ? Les autorités de l’Église ont-elles à y intervenir ? Si oui, on leur reproche de s’occuper de ce qui ne les regarde pas; à l’inverse, quand elles se taisent, on les accuse de manque d’audace et même de complicité.
La foi dépasse la vie privée
La mission de l’Église est d’annoncer la Parole de Dieu et de promouvoir les valeurs spirituelles et éthiques dans la société. Elle rappelle que les succès de l’économie sont loin de combler les aspirations du cœur humain. Le concile Vatican II et les papes récents n’ont pas cessé d’inviter les catholiques à être des citoyens responsables et actifs. Dans l’exhortation La joie de l’Évangile, le pape François consacre plusieurs paragraphes à l’enseignement social de l’Église (182-221). Il affirme : « Personne ne peut exiger de nous que nous reléguions la religion dans la secrète intimité des personnes, sans aucune influence sur la vie sociale et nationale, sans se préoccuper de la santé des institutions de la société civile, sans s’exprimer sur les événements qui intéressent les citoyens » (183). Or, l’engagement dans une société démocratique se concrétise par l’intérêt porté aux enjeux politiques et par l’expression de ses convictions et choix à l’occasion des élections.
À la lumière de l’Évangile
La foi chrétienne ne propose pas des solutions aux problèmes concrets de la politique et de l’économie. Elle laisse aux croyants et croyantes la responsabilité de penser et d’agir. Tout en étant éclairés par l’Évangile et par l’Église, les citoyens et les citoyennes doivent tenir compte de la complexité des situations et du pluralisme culturel et religieux dans les cadres d’une démocratie. Nous ne vivons plus en chrétienté, mais nous sommes appelés à vivre l’Évangile dans une société où les manières de penser et de vivre sont différentes de celles du passé et de plus en plus diversifiées. C’est à l’intérieur de la société moderne que nous avons la responsabilité de témoigner de Jésus qui invite à se soucier des démunis d’ici ou d’ailleurs et à promouvoir justice, partage des richesses et respect des personnes. Ces appels de l’Évangile éclairent nos choix politiques qui déterminent l’organisation de la société, ses lois et son gouvernement.
Pour qui voter?
N’attendons pas des directives de la part des autorités de l’Église. Écoutons dans nos consciences la voix toujours actuelle de l’Évangile, les cris des pauvres et des exclus, les appels des enjeux économiques et sociaux devenus très complexes. Par son vote, il revient à chacun et chacune de nous de mettre en place le gouvernement capable de bâtir un monde meilleur et plus juste qui, seul, a un avenir prometteur.