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Jean-Denis Lampron, président de Développement et Paix

ENTREVUE par Chantal Larochelle

          NUMÉRO DE MAI 2018

Depuis son passage dans le mouvement scout il y a de cela plus de quarante ans, Jean-Denis Lampron demeure un homme d’Église engagé. Père de 11 enfants et grand-père de 14 petits-enfants, le sexagénaire milite avec conviction pour la justice sociale. Non seulement Rose Drummond, entreprise dont il est le propriétaire, porte fièrement les valeurs qu’il défend, mais son implication bénévole au sein de Développement et Paix appuie et confirme sa soif d’équité. Rencontre avec un homme inspirant.

En mettant les pieds chez Rose Drummond, on retrouve, en entrant, le grand comptoir de Rose Fleuriste où sont vendues les fleurs produites sur place. L’entreprise devient ainsi la dernière productrice canadienne de fleurs puisque «la serriculture n’est pas rentable», affirme M. Lampron. Ce qui lui a permis de survivre, c’est la fermeture de plusieurs serres, mais aussi le choix d’aller directement vers le client. «Toutes nos fleurs sont vendues ici. C’est du 100% au détail», complète-t-il.

L’entreprise se diversifie aussi avec la culture en serres de légumes frais. L’été, un jardin de 40 000 pieds produit des concombres, tomates et oignons notamment, sans aucun pesticide. Non seulement tout est vendu sur place, mais cette production maraîchère fournit également le Rose Café, coin gourmand de l’entreprise qui ne transige qu’avec des producteurs de café équitable. «On va chercher le producteur de café avec qui on peut transiger le plus directement pour s’assurer qu’il est bien payé et qu’il a un prix juste et équitable», rapporte l’entrepreneur.

Cette recherche d’équité, on la retrouve également dans la section Le Rose Terroir où sont vendus des centaines de produits provenant de petits producteurs locaux. « Une fois de plus, on veut mettre le client final en lien avec le producteur. Il y a, dans cette approche, le souci de faire du commerce équitable. […] Sans intermédiaires, la marge est meilleure », explique-t-il.

Haïti : un voyage marquant

Il faut retourner dans les années 70 pour comprendre d’où vient la préoccupation de Jean-Denis Lampron pour l’équité et la justice sociale. Un voyage en Haïti dans « l’arrière-pays » fut le point de départ. S’il y a côtoyé l’extrême pauvreté, il a aussi été profondément touché par l’engagement d’un père montfortain engagé dans son milieu. « Cette expérience-là m’a marqué à vie », relate-t-il.

Son besoin d’aider et de redonner aux plus pauvres étant désormais criant, M. Lampron s’est impliqué dans l’organisme officiel de solidarité internationale de l’Église catholique au Canada, Développement et Paix. Cet engagement l’a conduit au diaconat permanent où il a été ordonné en 1998. Sa mission diaconale : sensibiliser son diocèse aux réalités du Tiers-Monde. Après trente ans d’implication au sein de l’organisme, il en occupe, depuis trois ans, la présidence.

Redonner ce que l’on doit

Le pape Paul VI a dit un jour : «La paix dans le monde va passer par le développement des peuples». Pour Jean-Denis Lampron, rien n’est plus vrai, mais faut-il encore avoir la volonté d’amener les plus démunis à participer à la fondation du monde et pour ce faire, il faut d’abord reconnaître notre responsabilité première. «Tous les matins, on vole ces gens-là en achetant du café, du sucre ou des vêtements non équitables. Il ne faut pas avoir peur des mots. Il faut les regarder en face, affirme le diacre. Il est primordial de redonner ce que l’on doit à ces pays-là.» Il est formel : nous sommes responsables de la situation des pays du Tiers-Monde. Ses propos vont encore plus loin quand il affirme que nos attitudes cautionnent l’esclavage et l’injustice. «Le problème, c’est qu’on ne veut surtout pas savoir que l’on est responsable de la qualité de vie des peuples à travers le monde.»

Le Carême de partage permet déjà à l’Église d’amasser des fonds pour les peuples du Tiers-Monde. Pour Jean-Denis Lampron, il faudrait donner davantage afin de devenir de véritables partenaires. «Je ne conçois pas que l’on puisse être chrétien sans redonner», ose-t-il affirmer. Le matin où on arrêtera de se préoccuper des plus pauvres, on aura perdu le cœur de la mission de l’Évangile. Le problème, c’est qu’à bien des endroits, on semble l’avoir perdu quand on se soucie davantage des bâtiments et du nombre de chrétiens les fréquentant. Aux dires du diacre, notre Église a peur de sortir et d’être missionnaire engagée. Elle peine à comprendre que sa mission première, c’est d’aller vers la pauvreté.

Utopie ou espérance

«Essayer de changer le monde, c’est risquer de mourir d’une indigestion», rapporte le président de Développement et Paix. Ce sont nos habitudes qu’il faut d’abord changer. La foi et l’espérance nous permettent ensuite de croire que ce que l’on sème portera ses fruits. « Le plus important, témoigne-t-il, c’est de toujours aller de l’avant et garder la mission. Le reste ne nous appartient pas. »

En prenant les gens où ils sont et en les amenant plus loin dans des projets structurés, conçus et montés avec eux, les réalisations de l’organisme confirment la nécessité de son travail depuis 50 ans. Les besoins demeurent criants sur plusieurs points du globe. L’Afrique, la Birmanie et le Moyen-Orient notamment. Le nombre de déportés en raison du manque d’eau potable augmente sans arrêt.

Qu’as-tu fais de ton frère?

Quelle est notre relation à l’autre?, questionne Jean-Denis Lampron pour qui «la vie, c’est d’apprendre à aimer». On pense avoir gagné en efficacité avec la technologie et les ordinateurs, mais quelle est notre relation à l’être humain? «On a les plus belles intentions du monde si on ne pose pas de gestes.»

Les enfants de Jean-Denis Lampron disent à la blague que sur sa pierre tombale, on inscrira ceci : «Ce que tu es parle si fort que je n’entends pas ce que tu dis.» Ce qu’il aura été : un ardent défenseur de la justice sociale auprès des plus pauvres, ses frères et sœurs du Sud.

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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