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JOE GUNN

Un centre oblat pour la justice sociale

ENTREVUE par Stéphane Gaudet

          AVRIL 2022

PHOTO: STÉPHANE GAUDET

« C’est facile de donner de l’argent, de faire la charité, mais on a besoin de deux jambes pour marcher et avancer : la charité, oui, mais aussi la justice. Aider les personnes affectées par l’injustice, mais aussi changer les choses qu’on doit changer. »

Joe Gunn, militant social reconnu, est le directeur du Centre oblat Une voix pour la justice, situé à Ottawa. Le Centre, né en février 2019, est le fruit d’une collaboration des trois provinces oblates du Canada (Notre-Dame-du-Cap, Lacombe, L’Assomption).

« Chaque province oblate avait son responsable du dossier Justice, paix et intégrité de la création (JPIC). Les trois provinces ont voulu mettre leurs efforts en commun en créant le Centre. Elles ont décidé de travailler sur quatre priorités : la réconciliation avec les peuples autochtones, l’écologie – dans le sens de l’encyclique Laudato si’ du pape François –, la pauvreté au Canada et le comportement des multinationales canadiennes dans les pays du Sud », explique-t-il.

Distance entre foi et action

Certains pourraient croire que la justice sociale appartient au domaine politique et que la religion n’a rien à voir là-dedans. Joe Gunn invite ces personnes à relire Matthieu 25. « Ce texte du jugement final est souvent utilisé pour les funérailles : quand avez-vous aidé quelqu’un qui était affamé ? Quand avez-vous rendu visite à quelqu’un en prison ? Pour être chrétien, on doit mettre en pratique Matthieu 25. C’est impossible d’être chrétien sans ça. » Et il rappelle que le charisme premier des Oblats est la mission auprès des pauvres. Cela semble aller de soi, « mais c’est vrai que parfois, dans notre société de consommation nord-américaine, il y a une distance énorme entre la foi et l’action. Ça ne devrait pas être ainsi, mais c’est la réalité », déplore-t-il.

Le directeur du Centre oblat Une voix pour la justice reconnaît que, même en établissant quatre priorités, les enjeux de justice sociale sont gigantesques. Comment ne pas être découragé devant l’ampleur de la tâche ? Son secret : puiser dans notre foi. « Les organismes de la société civile canadienne font un excellent travail. Mais les groupes chrétiens et d’autres religions font aussi un énorme travail de réflexion sur la justice sociale. Par exemple, sur la création; les Canadiens ne sont pas conscients qu’avant Laudato si’, il y a eu trois lettres pastorales des évêques canadiens sur l’écologie. Il y a une inspiration qui émane de notre foi, et c’est une ressource immense pour continuer, sans désespérer. » 

Autre antidote au découragement, M. Gunn affirme que quand on travaille pour la justice, « il ne faut rien faire seul ». Il donne en exemple le tout nouveau Bureau des congrégations religieuses pour l’écologie intégrale (BCRÉI), qui va commencer ses opérations en 2022. Huit communautés religieuses lui ont donné naissance. « Travailler avec les autres personnes inspirées est la seule façon d’avoir de l’espoir dans cette tâche. »

Sensibiliser, éduquer, agir

Concrètement, le travail du Centre consiste à organiser différents événements de sensibilisation et d’éducation en lien avec les quatre enjeux prioritaires. Par exemple, un rassemblement de 250 personnes pour faire connaître les résultats du Synode sur l’Amazonie. « On a fait ça avec Développement et Paix. Le cardinal Pedro Barreto est venu trois semaines après la fin du Synode à Rome pour expliquer aux Canadiens ce que le Synode a fait, ce que l’Église souhaite pour l’Amazonie, l’écologie, les compagnies minières, les relations avec les Autochtones, ce que veut dire être missionnaire aujourd’hui. » 

Évidemment, la pandémie rend désormais impossibles de tels rassemblements. Alors le Centre s’est tourné vers les webinaires. « Presque toutes nos activités maintenant sont en ligne. Après la découverte de sépultures près d’anciens pensionnats autochtones, j’ai dit aux Oblats que les laïques dans les paroisses avaient besoin de parler de ça. Nous avons organisé quatre webinaires pour les laïques dans les paroisses oblates. Six paroisses de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et de l’Ontario y ont participé. Ce serait intéressant de voir ça au Québec aussi, mais bien humblement, je n’ai jamais vécu au Québec, je sais que la dynamique avec les Autochtones est différente, que l’histoire de la colonisation est différente. » 

Le Centre publie une infolettre bimensuelle intitulée « News – Nouvelles », qui contient toujours une invitation à agir : signer une pétition, faire connaître un enjeu ou lire un article. Environ 500 personnes reçoivent cette infolettre bilingue.

Pression auprès du gouvernement

Autre exemple intéressant d’action, le lobbying. « Des Églises étaient allées au Sénat pour soutenir le projet de loi C-262 du député du Québec Roméo Saganash sur la Déclaration des Nations Unies pour les droits des peuples autochtones. Le projet de loi est mort au feuilleton à cause du déclenchement des élections fédérales de 2019. En campagne électorale, les libéraux ont dit qu’ils voulaient présenter un nouveau projet de loi reprenant C-262. Le seul groupe catholique à travailler avec les autres Églises sur cet enjeu a été les Oblats. On a dû faire pression en envoyant des lettres au gouvernement pour exiger qu’il le fasse vraiment. Le ministre de la Justice David Lametti a accepté de rencontrer les représentants des Églises. Après ça, le Centre a invité les trois membres de la Commission vérité et réconciliation pour un autre webinaire. C’était la première fois que les trois se retrouvaient ensemble depuis la publication de leur rapport. Plus de 1000 personnes ont participé. Tout ça pour s’assurer que le gouvernement libéral tienne parole. Le projet de loi C-15 a effectivement été adopté en juin 2021. » 

M. Gunn exprime son souhait que le Centre reflète les préoccupations des gens, des laïques. Il tient à souligner au passage le rôle important du père Bernard Ménard, oblat du Sanctuaire, qui siège au comité JPIC de la province Notre-Dame-du-Cap. « Il y joue un rôle moteur. J’ai une immense appréciation pour lui. » Le directeur du Centre a demandé aux Oblats, particulièrement à ceux du Québec, de l’informer quand il y a un intérêt pour un enjeu. « Il faut nous le dire s’il y a quelque chose que nous devons faire sur des questions qui sont importantes pour les gens. Donnez-nous des idées, faites-nous part de vos préoccupations. »

Pour recevoir l’infolettre « News – Nouvelles », contacter Richard Wink par courriel : centreoblat@gmail.com

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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