La Divine Rénovation — Quand les curés font place à l’Esprit Saint
REPORTAGE par Yves Casgrain
OCTOBRE 2021
Nous sommes en 2021 après Jésus‐Christ. Toutes les églises tentent de survivre dans une société postchrétienne. Toutes ? Non ! Car il y a des paroisses peuplées d’irréductibles catholiques qui résistent à ce courant de pensée qui envahit tout. Grâce à l’Esprit Saint, leur potion magique, ils transforment la vie paroissiale et attirent de nouveaux disciples.
Cette entrée en matière, inspirée de la bande dessinée Astérix, est sans doute un peu légère et humoristique, mais elle illustre très bien ce qui se vit au sein de quelques paroisses sur la planète. Frustrés devant la baisse dramatique de la pratique cultuelle dans plusieurs pays, surtout occidentaux, des curés ont décidé de renverser la tendance en changeant l’ancienne culture et les pratiques traditionnelles. Le résultat est impressionnant! Notre-Dame-du-Cap est allée à la rencontre de deux paroisses qui vivent une véritable résurrection pastorale.
Complètement renouvelée
En cinq ans, la paroisse montréalaise St. Ignatius of Loyola (photo), située à proximité de l’Université Concordia, s’est complètement renouvelée. « L’assistance pour les eucharisties du dimanche a augmenté de 62 % entre 2016 et 2020. La participation aux activités destinées aux enfants a augmenté de 360 %. Nous avons baptisé et reçu dans l’Église 16 adultes. L’âge moyen des paroissiens a diminué énormément. Maintenant, 45 % de nos paroissiens adultes ont moins de 45 ans. L’âge moyen de la communauté est d’environ 40 ans. Quelque 15 % des paroissiens adultes ont moins de 35 ans », énumère fièrement Michael Leclerc, curé.
Pourtant, lorsqu’il a été nommé à la tête de la paroisse St. Ignatius of Loyola en 2013, elle ressemblait à la très grande majorité de ses consœurs. « J’ai grandi dans cette paroisse. Lors de ma première rencontre pour la catéchèse, je connaissais la moitié des gens présents. Sauf que j’ai rapidement réalisé qu’elle n’était plus celle que j’avais connue. Les paroissiens avaient pris de l’âge. Il y avait moins d’activités. Et beaucoup moins de monde à la messe », se rappelle-t-il.
Deux ans plus tard, il reçoit un appel de Mgr Thomas Dowd, alors évêque auxiliaire au diocèse de Montréal, l’invitant à vivre un stage de six mois à la paroisse Our Lady of Guadalupe, en Nouvelle-Écosse, où le curé James Mallon avait mis sur pied le mouvement Divine Renovation (Divine Rénovation). Après avoir lu le livre Divine Renovation : Bringing Your Parish from Maintenance to Mission*, Michael Leclerc accepte l’offre de Mgr Dowd.
« Dès mon arrivée, j’ai été ébloui par ce qui se vivait dans cette paroisse. Il y avait plus de 100 personnes à la messe quotidienne. La fin de semaine, c’était plus de 1500 personnes qui assistaient à l’eucharistie ! Il y avait deux styles de messes (une plus traditionnelle et une autre plus axée sur la famille). Je sentais que les gens étaient fiers de venir à leur paroisse. À Pâques, ils ont baptisé six adultes et huit autres ont été reçus dans l’Église. Dans ma paroisse, il y a eu un adulte baptisé depuis 1978 », témoigne le curé Leclerc.
Bousculer les vieilles habitudes
Son stage l’a convaincu que les choses devaient évoluer. « La culture devait changer. Notre attitude devait changer. Je me suis dit que la paroisse ne devait plus jamais vivre Pâques sans baptiser un adulte », lance-t-il.
Peu de temps après son retour à Montréal, la paroisse adhère au réseau des églises membres de la Divine Rénovation. Un conseiller est venu l’accompagner dans le processus de transformation. « Avec lui, j’ai mis sur pied une équipe de leaders composée de quatre paroissiens. Ils sont au courant de presque tout ce qui se passe dans la paroisse. Ils m’aident dans la prise de décision. »
Et des décisions, il y en a eu beaucoup. Certaines n’étaient pas faciles à prendre, car elles venaient bousculer les vieilles habitudes et les paroissiens. « Nous ne tolérons plus ceux et celles qui disent non à tout. Nous les ignorons. Nous ne leur donnons pas une voix dans la paroisse. »
Maintenant, la paroisse se concentre sur trois grands principes édictés par le père James Mallon. « Le premier, c’est la primauté de l’évangélisation. Avant tout, il faut évangéliser. Cela ne veut pas dire que nous devons cogner à la porte de nos voisins. Si nous amenons les gens à vivre une expérience personnelle et transformatrice avec le Christ, ils se transformeront et ils deviendront contagieux dans leur entourage. » Le deuxième principe est le leadership. « Il faut investir là-dedans. Comme curé, je n’ai pas tous les talents. Je dois donc m’entourer de leaders qui vont combler mes faiblesses. » Le troisième principe concerne l’Esprit Saint. « Il faut s’y soumettre. Nous cherchons à être guidés par l’Esprit Saint. »
Savoir où l’on va
Michael Leclerc insiste également sur l’importance d’avoir une vision claire. « À la base, tu dois avoir une direction, savoir où tu vas. Cela aide à discerner, à dire oui ou non à tel ou tel projet. C’est très utile, car lorsque tu deviens une paroisse vivante, les gens viennent te proposer des projets. »
Cette vision aide également à changer la structure. « Généralement, dit-il, les paroisses sont structurées pour répondre aux besoins des paroissiens d’il y a 50 ans. C’est structuré pour une société catholique. Nous sommes dans une ère préchristianisée. Les gens ne savent plus qui est Jésus Christ. »
La culture est également très importante selon le père Michael Leclerc. « Il y a une expression en anglais qui dit : “Culture eats strategy for breakfast”, c’est-à-dire que c’est la culture qui fait que la stratégie fonctionne ou pas. Dans notre paroisse, nous voulons une culture qui célèbre l’expérience transformatrice avec le Christ. Une fois par année, nous invitons les paroissiens qui ont vécu une telle expérience à en témoigner afin de prouver que cela est la portée de tous. »
Élisabeth Boily et Patrice Bergeron devant l’église Saint‐Bonaventure.
Remède à l’absence de fraternité
À quelques kilomètres de là, dans le quartier Rosemont, la paroisse Saint-Bonaventure s’inspire des grands principes du mouvement Divine Rénovation pour éveiller le baptême des paroissiens. Et ça marche !
C’est en 2018, grâce à Élisabeth Boily, la coordinatrice du projet pastoral, que Patrice Bergeron, curé, découvre le mouvement Divine Rénovation. De plus en plus frustré de l’absence de fraternité dans sa propre paroisse, il décide de foncer tête baissée dans l’aventure. « Nous avions déjà amorcé un changement de culture avec le mouvement Alpha. Ce dernier m’a transformé et a transformé la paroisse. Maintenant, ce qui se vivait dans le sous-sol est répercuté à la messe du dimanche», souligne-t-il.
Toutefois, l’équipe pastorale s’est très vite éloignée de la Divine Rénovation en raison du peu de sensibilité manifestée envers le fait français. Aujourd’hui, le mouvement est présent en France.
Patrice Bergeron partage une vision qui le porte lui et toute la paroisse. « L’important pour nous, c’est de faire vivre une rencontre personnelle avec Jésus. Le but de notre pastorale, c’est cela. Cela passe souvent par une expérience positive de l’Église. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté le slogan “Venez et voyez”. C’est inspiré de l’Évangile de Jean, chapitre 1. Si des personnes viennent à Saint-Bonaventure pour demander le baptême de leur enfant, nous leur disons : “Venez et voyez”. Si d’autres nous approchent, car ils veulent être parrains, mais ne sont pas confirmés, nous leur disons : “Venez et voyez” », explique-t-il.
Pour y parvenir, l’équipe pastorale n’a pas hésité à reconfigurer les parcours catéchétiques et la manière de célébrer les eucharisties. « Avant la COVID-19, nous avions entre 50 et 60 enfants qui suivaient le parcours catéchétique et 80 assistaient à la messe du dimanche. Et les parents restent dans l’église ! », lance Élisabeth Boily.
Aujourd’hui, Patrice Bergeron, qui soulignera ses 25 ans de prêtrise, est heureux. « Lorsque nous venons ici le dimanche, nous voyons une communauté qui s’aime. C’est la communauté que j’ai toujours voulu avoir. Je l’ai eue au bout de 22 ans d’ordination ! »
Assurer la pérennité
Malgré les succès rencontrés par les paroisses St. Ignacius of Loyola et Saint-Bonaventure, la transformation inspirée par la Divine Rénovation demeure encore fragile. Un changement de curé et tout peut basculer. Les pasteurs ont tous deux dit travailler à la pérennisation de l’aventure advenant leur départ.
À l’évidence, l’Esprit Saint souffle très fort dans certaines paroisses. Des expériences pastorales sont tentées. Un forum a même été consacré à ces initiatives en septembre dernier.
Pour autant, Patrice Bergeron reste humble. « Nous ne voulons pas faire la leçon. Nous témoignons de notre expérience. Voilà tout ! »
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* « Le livre de James Mallon a été traduit par la maison d’édition française Artège et porte le titre suivant : Manuel de survie pour les paroisses. Pour une conversion pastorale. Artège publie également l’ouvrage du même auteur Manuel de survie pour les paroisses. Comment démarrer.