La racine de tous les maux
ÉDITORIAL par Stéphane Gaudet, rédacteur en chef
Avril 2023
Si le premier ministre François Legault a longtemps refusé de parler de « crise du logement » au Québec, les dernières données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) montrent que cette crise est bien réelle, chez nous comme ailleurs au Canada.
Au Québec, le taux de logements inoccupés est de 1,7 %, bien en deçà du seuil de marché équilibré évalué à 3-4 %. Le loyer moyen d’un appartement de deux chambres, communément appelé un « quatre et demi », s’élevait en 2022 à 973 $ par mois. C’était 1022 $ à Montréal, 976 $ à Québec, 940 $ à Saint-Hyacinthe, 852 $ à Granby, 809 $ à Sherbrooke, 740$ à Rimouski. Subséquemment, on observe une hausse flagrante de l’itinérance en région.
Il y a pénurie de logements, et surtout de logements abordables. L’offre ne suffit pas à la demande, même si de nombreux appartements locatifs ont été construits en 2022. Le prix élevé des maisons et la hausse des taux hypothécaires font en sorte que plus de gens souhaitent louer au lieu d’acheter. Ajoutez à ce phénomène la forte hausse récente de l’immigration, le retour des étudiants sur les campus, l’inflation, et vous avez tous les ingrédients pour une tempête parfaite.
Devant la croissance des coûts, les propriétaires n’ont d’autre choix que de refiler la facture à leurs locataires. Tant qu’il s’agit d’augmentations raisonnables et justifiables, ça va. Le problème est la cupidité de certains propriétaires qui profitent de la crise du logement pour s’en mettre plein les poches, exigeant des hausses de loyer aussi faramineuses qu’indécentes. C’est bien de notre époque, cette mentalité du « toujours plus »… Un texte biblique écrit il y a presque 2000 ans voyait déjà juste : « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux » (1 Timothée 6,10). Ainsi, des propriétaires n’encaissent pas les loyers dûment payés par leurs locataires de longue date dans le but de les évincer pour non-paiement de loyer et de les remplacer par de nouveaux locataires, plus payants. Et on a vu dans les journaux des pervers offrir de louer des chambres en échange de faveurs sexuelles.
Le droit au logement est reconnu par l’ONU dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Comme le logement répond à un besoin fondamental, louer des appartements n’est pas une business comme une autre. Sans devoir faire la charité, les propriétaires ont une responsabilité sociale. Et nous, chrétiens, avons un rôle à jouer dans cette crise: dénoncer la cupidité, prendre le parti des plus faibles, donc défendre les droits des locataires et des personnes à revenus modestes qui ont de plus en plus de mal à se loger à un coût abordable. Nul doute que c’est ce que le Christ lui-même ferait, lui qui n’avait pas d’endroit où poser la tête (Matthieu 8,20).
Stéphane Gaudet
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