L’appel et les appelés
APPRENDRE À DÉCODER MARC
par Christiane Cloutier Dupuis
formatrice et bibliste affiliée
au Centre Saint-Pierre
avril 2024
Il est important de prendre conscience que chaque personne sur terre est appelée, peu importe qui elle est ou ce qu’elle est. Et les appels se font selon les lieux, temps et circonstances.
Nous avons vu en mars comment Jésus comprend Dieu et comment il l’explique aux gens de son temps pour leur enlever la peur de Dieu. Peur due à un enseignement biaisé par les autorités religieuses qui dépeignent un Dieu exigeant, surveillant, légaliste et lointain. Pour contrecarrer cet enseignement épeurant, Jésus a raconté la parabole de la graine de moutarde où il n’hésite pas à rapetisser Dieu à la grosseur d’une graine de moutarde (impensable et inimaginable à son époque). Son but ? Enlever cette peur malsaine et faire comprendre à quel point Dieu veut entrer en relation avec nous.
SCANDALE
Dans cette même logique, voici un texte en Marc 2,13-17 qui montre Jésus appelant Lévi, un collecteur d’impôts. Lui et ses congénères sont vus comme des pécheurs publics à cause de leur métier qui en fait souvent des exploiteurs et des voleurs. En racontant cet appel particulier, Marc veut attirer l’a ttention sur Jésus assis à table et mangeant avec Lévi ainsi que « beaucoup de collecteurs d’impôts et de pécheurs », ce qui scandalise les scribes et les pharisiens. Comment quelqu’un comme Jésus, qui opère des guérisons et fait des exorcismes, deux signes montrant que Dieu est avec lui, peu-t-il accepter une telle chose ? Quelle horreur ! Ils ne peuvent s’empêcher de dire: «Quoi? Il mange avec des collecteurs d’impôts et des pécheurs? »
Jésus, qui les a entendus, va rétorquer : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. » Et vlan pour les bien-pensants ! Jésus explique alors pourquoi il a appelé Lévi, vu par tout le monde comme un pécheur : parce que Dieu désire entrer en relation avec les pécheurs qui sont aussi ses enfants. Ce sont eux qui l’inquiètent et dont il veut avoir soin. Voilà le Dieu que proclame Jésus.
DES PÉCHEURS « PUBLICS »
Pour comprendre l’importance de ce texte, il faut retourner au temps de Jésus et être conscient de certaines contraintes autant morales que religieuses qui existaient alors : au fil du temps, le pouvoir religieux avait dressé une liste impressionnante de pécheurs publics et d’impurs. Pour donner une idée, publicains, collecteurs d’impôts, bergers, marchands et bien d’autres étaient considérés comme des pécheurs « publics » à cause de leur métier très mal vu dans la société. Quant aux impurs selon la Loi, la liste était interminable: gens atteints de maladie de peau, malades en général, ce qui rend automatiquement impurs les médecins touchant leur corps, impures aussi les personnes lavant les morts considérés impurs, les femmes menstruées ou qui accouchent, les personnes atteintes de certaines infirmités physiques, etc.
Pour Jésus, cette perception d’un Dieu qui exclut des gens à cause de leur métier ou de leur maladie est intolérable. D’où cet enseignement capital. C’est pour cette raison que Marc raconte l’appel de Lévi à devenir disciple : non seulement pour faire comprendre aux chrétiens et chrétiennes de Rome que toute personne a droit à l’appel, peu importe qui est cette personne et le travail qu’elle fait, mais encore pour que ces chrétiens et chrétiennes se rappellent sans cesse ces paroles de Jésus : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs. »
Si seulement on avait pris cet enseignement au sérieux dans le christianisme et qu’on l’avait enseigné sans relâche! En approuvant « la bénédiction des couples irréguliers » de l’Église catholique, le pape François a été fidèle à cet enseignement.
TOUS ONT DROIT À L’APPEL
Ce texte parle de l’appel à Lévi, une personne mal vue dans sa société. Jésus voulait ainsi faire comprendre que tous ont droit à l’appel de Dieu. C’est maintenant à vous, chère lectrice et cher lecteur, de retracer les appels reçus par Dieu depuis votre naissance. Car nous recevons plusieurs appels au cours de notre vie: appels toujours en fonction de qui nous sommes et de ce que nous pouvons faire. PAS PLUS.
Un des appels décisifs se fait généralement dans la jeunesse à travers le métier choisi ou l’état de vie choisi, célibataire ou en couple. Cet appel entendu s’est fait à travers notre milieu familial, social, religieux ou pas, notre éducation, notre culture, nos goûts et aptitudes. Dieu nous accepte tels que nous sommes et c’est ainsi que nous pouvons remplir notre mission. Et il ne cesse jamais de nous appeler, au jour le jour, selon les circonstances et ce que nous vivons.
En 2024, nous sommes habitués à la notion d’appel grâce au téléphone. Et parfois, effectivement, cet appel de Dieu passe par le téléphone : c’est ce qu’a compris un de mes amis dont la mission consiste à appeler une fois par semaine plusieurs personnes souffrant d’isolement et de solitude. Et vous, quel appel pensez-vous recevoir en 2024, sachant que le Dieu de Jésus tient compte de qui vous êtes, de votre état de santé, de vos aptitudes, de votre milieu de vie, peu importe qui vous avez été ou ce que vous avez fait dans le passé de « pas très bien ou très aimable » ? Réjouissez-vous de votre appel et croyez-y!
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LA PAROLE NOURRICIÈRE
Nous sommes si souvent habitués à entendre la lecture de l’évangile à la messe que bien souvent, nous n’écoutons plus. Et pourtant, c’était d’une importance capitale pour les premières générations chrétiennes. C’était l’élément nourricier dont elles avaient le plus besoin. Pourquoi ? Parce que c’est en écoutant et en comprenant la Bonne Nouvelle de Jésus que l’on apprend qui il est, comment il comprend Dieu et comment vivre pour être sur sa longueur d’onde en tant qu’humain. C’est fascinant : un art de vivre exceptionnel. C’est donc d’abord pour une raison didactique (l’enseignement sur Jésus) que Marc a rédigé son évangile.