Le Prions, geste précurseur des Oblats
REPORTAGE par Stéphane Gaudet
MAI 2023
Bien enraciné dans les habitudes des fidèles catholiques du Canada francophone, Prions en Église se passe de présentation. Mais peu de gens savent qu’on doit cette publication aux Missionnaires Oblats de Marie Immaculée.
Le Centre catholique de l’Université d’Ottawa, fondé en 1935 par l’oblat André Guay, publie pour la première fois le 7 juin 1936 le feuillet Prie avec l’Église, qui se vendait à la porte des églises au prix d’un cent. Celui-ci a pour but de nourrir la foi des fidèles en leur permettant de mieux comprendre la messe, alors dite en latin. Démocratiser ainsi l’accès à la liturgie et à la Parole de Dieu s’inscrit en droite ligne dans le charisme des Oblats, dont l’apostolat s’exerce auprès des masses populaires.
« Prions a été fondé dans les années 30, bien avant Vatican II, mais déjà il y avait cette intuition que l’acte liturgique appartient à l’assemblée. C’était un geste précurseur de mettre entre les mains du public cette liturgie qui pouvait paraître la propriété des prêtres », nous dit Jean Grou, rédacteur en chef de Prions en Église depuis 2008.
Un nouveau nom
C’est le 1er janvier 1965 que Prie avec l’Église devient Prions en Église. Le père Bernard Ménard, o.m.i., qui était alors depuis peu directeur du Centre catholique, se souvient du choix du nom.
« Dans la foulée du concile Vatican II, le père Germain Hudon – professeur de liturgie à l’Université – et moi voulions changer le nom de Prie avec l’Église. Il a proposé Prions avec l’Église. La préposition avec me dérangeait, c’était comme si on s’associait à la prière de l’Église tout en restant un peu à l’extérieur de celle-ci. J’ai alors suggéré Prions EN Église, comme on dit “en famille” ou “en chœur”, pour bien marquer que nous sommes l’Église. »
C’est aussi le directeur et son équipe qui ont choisi, en 1969, de changer le nom du Centre catholique pour les éditions Novalis. « Le nom nous a été soumis par deux conseillers en marketing de Toronto. C’est un nom poétique, avec une belle sonorité, qui se dit bien dans toutes les langues. Novalis fait penser aux novales, les germinations des terres fraîchement défrichées. C’est l’idée de faire du neuf à partir d’un terreau neuf. Le logo de Novalis l’évoque, d’ailleurs. Le nom n’a rien à voir avec le poète allemand Novalis. »
La ligne éditoriale de Prions en Église a gardé cet élan novateur, comme l’explique Jean Grou : « Nous sommes pleinement dans la ligne de Vatican II, donc l’assemblée est l’actrice principale de la célébration eucharistique. Même si on peut paraître conservateurs, je considère que nous sommes tout de même assez progressistes : nous avons introduit il y a quelques années une chronique qui porte sur l’environnement. Ce serait indécent qu’une publication chrétienne se taise sur l’environnement. Aussi, nous sommes ouverts aux autres Églises, la chronique “Témoins de la foi” ne présente pas que des catholiques. »
Des oblats aux Assomptionnistes
Cette même année 1965, l’Université d’Ottawa devient l’Université Saint-Paul, toujours propriété des Oblats, pour la différencier de l’autre Université d’Ottawa, laïque et créée le 1er juillet par le gouvernement de l’Ontario. Prions en Église se retrouve donc rattaché à l’Université Saint-Paul.
Le théologien Normand Provencher, o.m.i. a enseigné à cette université de 1965 à 2016. Selon lui, le fait qu’une université possède une maison d’édition publiant le Prions ainsi que des livres religieux accessibles au grand public était « une manière pour l’Université d’être au service de la population ».
Mais pour assurer la pérennité de l’œuvre, en 2008, l’Université Saint-Paul vend Novalis à Bayard Presse Canada, propriété des Augustins de l’Assomption (communément appelés Assomptionnistes). Les nouveaux propriétaires conservent la marque Novalis et entendent poursuivre sa mission d’être au service du peuple de Dieu.
Bien que Prions en Église ait changé de mains, Jean Grou croit que la publication conserve une couleur oblate bien marquée, sous trois aspects. « D’abord, l’idée de la mission : elle nous vient des Oblats, qui sont une communauté essentiellement missionnaire. Mais aussi, l’ouverture. Les Oblats sont loin d’être une communauté fermée sur elle-même. Cette ouverture, on la vit, on la porte, nous sommes à l’affût de ce qui se passe dans le monde. Et finalement, le souci de la qualité. Les Oblats ont été extraordinaires quant à l’énergie et à la ferveur qu’ils ont mises à bâtir cet outil. Tout ça, c’est une semence oblate qui poursuit son chemin aujourd’hui. »
Jean Grou : « Les Oblats ont été extraordinaires quant à l’énergie et à la ferveur qu’ils ont mises à bâtir cet outil. »
Attentifs aux besoins des fidèles
Pour produire Prions en Église, dont le tirage est aujourd’hui de 110 000 exemplaires pour l’édition dominicale et de 48 000 pour l’édition mensuelle, Jean Grou peut compter sur une équipe d’une vingtaine de rédacteurs réguliers. Le père Provencher est l’un des plus anciens, collaborant avec Prions depuis mai 1973, soit exactement 50 ans ce mois-ci. Le rédacteur en chef se dit « très reconnaissant envers les gens qui produisent des textes; ils sont d’une grande fidélité, d’une grande disponibilité et d’une grande ponctualité. C’est tellement précieux pour un rédacteur en chef. »
Normand Provencher dit beaucoup apprécier la variété, depuis le début de sa collaboration, dans l’équipe de rédacteurs du Prions: prêtres, religieux, laïques, hommes et femmes, professeurs de théologie, animateurs et animatrices de pastorale. « Depuis plus de 35 ans, Novalis, donc le Prions, a été dirigé par des laïques », tient-il à souligner. Pour lui, l’équipe des rédacteurs du Prions et ses directeurs ont toujours eu le souci d’être au service de la liturgie et d’être attentifs aux besoins concrets des paroisses et des fidèles.