Le shintoïsme, la plus ancienne religion du Japon

REPORTAGE par Pascal Huot, ethnologue

          SEPTEMBRE 2021

Le shintoïsme est un héritage culturel nippon incontournable dans l’histoire des religions. Solidement ancré dans la vie quotidienne des insulaires, celui‐ci est encore pratiqué de nos jours.

PHOTO : PASCAL HUOT

Le shintoïsme, dont la racine shintō signifie « la voie des dieux », est un ensemble de croyances considéré comme une religion. Ne connaissant aucun fondateur et sans date précise quant à ses origines, sa pratique remonte à l’histoire ancienne du Japon. On peut néanmoins situer son apparition vers la fin de la période Jomon, l’une des quatorze subdivisions traditionnelles de l’histoire du Japon, soit approximativement de 13 000 à 400 avant Jésus-Christ.

La vénération des Kamis

Le shintoïsme accorde une importance primordiale à la nature. Considérée comme divine, celle-ci inspire à la fois crainte et émerveillement. Cette religion aux croyances polythéistes et animistes implique la vénération d’une pléiade de Kamis, divinités ou esprits du ciel et de la terre qui possèdent en eux les forces naturelles : les montagnes, les mers, les animaux et les plantes sont donc des Kamis. En plus de ces éléments naturels, des objets créés par la main de l’homme, comme un miroir, une épée, un poignard et autres peuvent également aspirer à être des divinités. Aussi, certains êtres humains sont divinisés. C’est le cas pour les ancêtres ainsi que les empereurs qui ont régné sur le Japon. Le shinto (ou shintoïste, personne pratiquant le shintoïsme) croit en l’immortalité de l’âme, sans pour autant y superposer une conception d’un monde de ténèbres ou de paradis.

Il y a plus de huit millions de Kamis vénérés dans différents sanctuaires nationaux, locaux et familiaux à travers tout l’archipel. On accède au temple en passant sous un torii, un grand portique sacré peint généralement en rouge qui marque la séparation symbolique entre le monde extérieur et l’espace sacré. Les sanctuaires les plus importants sont situés sur des sites naturels d’une grande beauté : sur des montagnes, au cœur des forêts, au bord de la mer.

De ces Kamis, Amaterasu, la grande déesse du soleil, fait l’objet d’un culte national. Divinité incontournable dans la cosmogonie shintoïste, on trouve son sanctuaire d’Ise à l’est de la ville d’Osaka. Selon le mythe, après une querelle avec son frère Susanoo, dieu de la tempête, elle s’est réfugiée dans une caverne, privant ainsi le monde de sa lumière et de sa chaleur, faisant régner la nuit la plus profonde. Refusant de sortir, les autres dieux usent alors d’un stratagème pour l’attirer à l’extérieur en organisant une grande fête et en plaçant également près de l’entrée un miroir. Les gens y rient et dansent bruyamment. La ruse fonctionne : intriguée, Amaterasu risque un œil à l’extérieur et est fascinée par sa propre image dans le miroir. Les dieux en profitent pour la tirer au-dehors. C’est ainsi que depuis, l’aube succède toujours à la nuit.

Fêtes rituelles

Outre le culte quotidien et les pèlerinages, il n’y a pas de service religieux régulier dans le shintoïsme. Cependant, une place très importante est accordée aux fêtes dont la pratique se compose de rituels variés accompagnés de danses, musiques, chants et repas copieux. En plus des festivités saisonnières, il y a les fêtes qui réunissent tous les fidèles d’un sanctuaire pour rendre hommage à son Kami à date fixe.

De ces fêtes shintoïstes, certaines sont de grandes manifestations populaires comme la fête du Nouvel An japonais ou encore la fête du Gion, qui se déroule à Kyoto, où les habitants défilent dans les rues en poussant de grands chars somptueusement décorés pour l’occasion.

ILLUSTRATION NUMÉRIQUE : PASCAL HUOT

Shintoïsme et bouddhisme

Le bouddhisme a été introduit par la Chine au Japon au 6e siècle de notre ère. Cette religion n’est pas entrée en conflit avec le shintoïsme, au contraire. De nombreux Japonais pratiquent les deux religions. Le shintoïsme est considéré par ses adeptes comme une religion d’expérience, de coutumes et de traditions plutôt qu’une réelle doctrine. C’est pourquoi il s’est si facilement mêlé au bouddhisme. Les Kamis ont été ainsi incorporés à des manifestations locales de bouddhas et de bodhisattvas. Il n’est pas rare de retrouver des temples bouddhistes installés à côté ou à l’intérieur même de sanctuaires shintoïstes. Cette saine cohabitation est également visible lors des grandes fêtes shintos, où les moines bouddhistes prennent une part active.

Un mariage shintoïste

PHOTO: THOMAS CUELHO/FLICKR CC

Ces interrelations entre le shintoïsme et le bouddhisme sont bien manifestes avec le mont Fuji. Ce lieu mondialement connu est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO sous la désignation de « Fujisan, lieu sacré et source d’inspiration artistique ». Le mont Fuji est, au 12e siècle, devenu un centre de formation du bouddhisme ascétique, qui est une fusion du bouddhisme et du shintoïsme. L’UNESCO résume ainsi cette union : « Le respect et la crainte qu’inspirent la forme majestueuse du mont Fuji et l’activité volcanique intermittente donnèrent naissance à des pratiques religieuses qui associent le shintoïsme et le bouddhisme, les hommes et la nature, la mort et la renaissance symboliques avec l’ascension et la descente rituelles de la montagne formalisée par des chemins, des sanctuaires et des auberges au pied de la montagne. »

De nos jours, le shintoïsme cohabite au Japon avec le bouddhisme, mais également avec le confucianisme et le taoïsme.

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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