Chaque fois qu’on parle négativement de l’Église aux nouvelles, nombre de gens se disent tentés de la quitter et même d’abandonner la foi, dégoûtés. Loin de moi l’idée de minimiser les délits dont certains se sont rendus coupables au fil des âges. Le problème est que beaucoup semblent avoir une image idéalisée et fausse de l’Église. Une Église qui n’a jamais existé, parfaite, irréprochable, composée uniquement de « saints », qui ne soit pas le reflet des tares de sa société et de son époque. L’Église, c’est nous tous, rappelons-le. Et nous sommes des êtres humains faillibles, très imparfaits. Même animée par l’Esprit, l’Église demeure une organisation humaine, très humaine, trop humaine.
Jeune adulte, croyant et en recherche, j’hésitais à me joindre à une communauté chrétienne. C’est alors qu’un texte du pasteur et martyr Dietrich Bonhoeffer a changé ma vie de foi :
« On ne saurait faire le compte des communautés chrétiennes qui ont fait faillite pour avoir vécu d’une image chimérique de l’Église. Certes, il est inévitable qu’un chrétien sérieux apporte avec lui, la première fois qu’il est introduit dans la vie de la communauté, un idéal très précis de ce qu’elle doit être et essaye de réaliser. Mais c’est une grâce de Dieu que ce genre de rêve doive sans cesse être brisé. Pour que Dieu puisse nous faire connaître la communauté chrétienne authentique, il faut même que nous soyons déçus, déçus par les autres, déçus par nous-mêmes. Dans sa grâce, Dieu ne nous permet pas de vivre, ne serait-ce que quelques semaines, dans l’Église de nos rêves, dans cette atmosphère d’expériences bienfaisantes et d’exaltation pieuse qui nous enivre. Car Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales, mais un Dieu de vérité. C’est pourquoi seule la communauté qui ne craint pas la déception qu’inévitablement elle éprouvera en prenant conscience de toutes ses tares pourra commencer d’être telle que Dieu la veut et saisir par la foi la promesse qui lui est faite. Il vaut mieux, pour l’ensemble des croyants, et pour le croyant lui-même, que cette déception se produise le plus tôt possible. […] La vraie communauté chrétienne est à ce prix: c’est quand nous cessons de rêver à son sujet qu’elle nous est donnée » (De la vie communautaire, Delachaux et Niestlé, 1968, p. 21-22 et 24).
Bonhoeffer parlait de la communauté chrétienne, mais on peut appliquer son propos à l’Église. Jésus l’a confiée à Simon-Pierre, qui l’a pourtant renié trois fois. Thomas était un sceptique, Matthieu-Lévi, un collecteur d’impôts… Les apôtres n’étaient pas parfaits ! Encore aujourd’hui, c’est nous, humains pleins de défauts, que Dieu appelle malgré tout pour former le corps du Christ. « Il sait bien, lui, de quoi nous sommes faits : d’un peu de poussière » (Psaume 102,14).
Un religieux m’a confié une fois qu’il avait été important pour lui de joindre une communauté religieuse mariale, parce que Marie nous oblige à « atterrir », à vivre une foi incarnée dans le monde réel, pas dans les idéaux ou dans l’intellect. À méditer !