Les exigences de la synodalité,
une voix à la fois

REPORTAGE par Philippe Vaillancourt | Présence-information religieuse

          AVRIL 2022

Mine de rien, l’Église catholique est présentement engagée dans la plus vaste opération de consultation de son histoire. En octobre 2021, le pape François a procédé au lancement officiel du processus menant à l’assemblée du Synode des évêques en 2023 qui doit justement porter sur les exigences de la synodalité dans la gouvernance ecclésiale.

Le pape François salue des visiteurs lors de l’ouverture du Synode sur la synodalité le 9 octobre 2021.

PHOTO : CNS PHOTO/PAUL HARING

Institué au concile Vatican II en 1965, le Synode des évêques est un organe consultatif constitué de représentants du Vatican et des conférences épiscopales nationales. Il donne lieu périodiquement à des assemblées générales ordinaires, extraordinaires et spéciales. Ces assemblées – préparées pendant plus d’un an accouchent de recommandations qui servent souvent de base pour inspirer une exhortation apostolique au pape sur un thème précis, à l’instar de Querida Amazonia (Synode sur l’Amazonie, 2019) et d’Amoris laetitia (Synode sur la famille, 2015) ces dernières années.

Mais en prévision de la prochaine assemblée générale ordinaire de 2023 qui propose de «marcher ensemble» vers une « Église synodale », le pape brasse les cartes d’une manière inédite : il veut que le processus commence par une consultation généralisée des populations desservies par les diocèses.

« En réalité, sans cette consultation, il n’y aurait pas de processus synodal, car le discernement des pasteurs, qui constitue la deuxième phase, émerge de l’écoute du peuple de Dieu », a déclaré le cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode des évêques, à Vatican News en mai 2021. À la revue Christus, la sous-secrétaire du Synode, la religieuse xavière française Nathalie Becquart – qui sera la première femme à avoir le droit de voter lors d’un synode – a parlé d’un chemin qui n’est pas « balisé d’avance », appelé à s’ouvrir à « l’inattendu».

Le 9 octobre, le pape a renchéri en précisant que « sans une réelle participation du peuple de Dieu, parler de communion risque de rester un vœu pieux ». Il a évoqué du même souffle l’existence d’une « frustration » touchant les agents de pastorale, les laïques et les femmes, « qui restent fréquemment en marge » des processus décisionnels.

Confiance et renouveau

Le supérieur général du Séminaire de Québec, le théologien Gilles Routhier, assistait à ce lancement à Rome en tant que membre de la Commission théologique du Synode. Selon lui, comme lors du concile Vatican II, le pape en fonction fait le pari de la confiance. « Confiance dans la puissance de l’Esprit saint qui renouvelle l’Église, confiance aussi dans ses frères dans l’épiscopat et dans tous les membres du peuple de Dieu », a-t-il indiqué dans un compte-rendu écrit. Les baptisés deviennent tous des « acteurs » d’un renouveau qui touche à la spiritualité, aux mentalités, aux pratiques et aux institutions.

« La synodalité est en effet un esprit, une attitude, une pratique, bref, un style de vie. Nous serons appelés, au cours des prochains mois, à faire une révision de vie ecclésiale : comment marchons-nous ensemble ? Comment arrivons-nous à dialoguer avec des personnes qui ont d’autres points de vue que les nôtres ? Quelle est notre capacité à vivre et à marcher ensemble, à prendre des décisions à la suite d’un échange de points de vue ? », a-t-il listé.

Interpellation locale

En marge du lancement des phases diocésaines – qui doivent être les plus près du terrain –, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ) s’est dite enthousiaste, assurant une participation locale à l’exercice qui devra permettre d’identifier des thèmes touchant « de près la vie de l’Église au Québec ».

« Les évêques voient dans ces processus une occasion de vivre une vraie expérience de synodalité au niveau local de travail en approfondissant la conversion pastorale missionnaire de nos diocèses sous l’impulsion de l’Esprit saint », a signifié l’AECQ. Les évêques québécois encouragent les communautés paroissiales, les mouvements et associations catholiques, les instituts de vie consacrée et les autres regroupements chrétiens « à participer à cet exercice d’écoute, de dialogue et de discernement ».

Certains évêques ont voulu attirer l’attention sur certaines exigences de l’exercice. C’est le cas de Mgr Marcel Damphousse, archevêque d’Ottawa-Cornwall : « Il est important que notre chemin vers l’avant comprenne une écoute les uns des autres ancrée dans l’humilité, et en particulier de ceux et celles qui sont en marge de l’Église et de la société. »

Choisir son approche

Au Canada, les diocèses ont adopté diverses approches, souvent en fonction de leurs ressources, plusieurs ne cachant pas avoir été pris de court par l’exigence de la consultation dans un contexte pandémique déjà complexe. Ainsi, alors que certains ont misé sur des questionnaires en ligne, d’autres ont voulu emprunter des chemins plus ambitieux.

C’est le cas du diocèse de Chicoutimi, qui a intégré la démarche à un processus de réflexion déjà existant autour de la formation pastorale. Cette « démarche appréciative » était axée sur l’analyse des récits des ressources salariées et bénévoles afin de « s’orienter vers des chemins nouveaux », explique Jocelyn Girard, docteur en théologie, membre de l’équipe du processus synodal du diocèse de Chicoutimi.

« L’équipe des sessions de formation est devenue l’équipe synodale. Donc au lieu de tout arrêter, nous avons intégré la démarche synodale à notre planification et à notre recherche de chemins nouveaux », dit-il. Peu convaincue par les questionnaires proposés, l’équipe a opté pour une approche par strates: « On a bâti un questionnaire, poursuit-il, nous avons demandé à tous les gens de devenir des intervieweurs et de rencontrer une personne bienveillante envers l’Église, une personne indifférente et une personne hostile. » 

Pour marcher ensemble, a estimé M. Girard, il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas là. « On veut aller voir ce qui fait mal aussi, et être capable de l’entendre réellement. » 

L’objectif : produire une analyse qui sera d’abord utile à l’Église locale. Tout en reconnaissant les limites d’un exercice où il est difficile d’avoir des échos des jeunes générations et où le très local risque de se perdre dans la masse une fois que le fruit des consultations remontera jusqu’à Rome. « Je n’ai pas une confiance débordante envers la démarche », reconnaît M. Girard, qui croit tout de même qu’elle mérite d’être faite.

Les rapports des phases diocésaines permettront une synthèse de la Conférence des évêques catholiques du Canada, prévue pour l’été 2022. Suivront des synthèses continentales et, en octobre 2023, le Synode proprement dit.

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

  • Abonnement
    (819) 374-2441 poste 173

  • Rédaction
    (819) 374-2441 poste 170