Où est le Christ dans tout cela?
ÉDITORIAL par Stéphane Gaudet, rédacteur en chef
Mars 2021
«Je savais que je n’avais pas le droit d’être là, mais je pense que Dieu voulait que je sois là.»
C’est ainsi qu’une dame s’exprimait après avoir participé à l’assaut meurtrier contre le Capitole à Washington, le 6 janvier dernier. Comme cette femme, beaucoup parmi les émeutiers pro-Trump se croyaient investis d’une mission divine : empêcher la certification de la victoire de Joe Biden, pourtant dûment élu, que cela nous plaise ou non.
On le sait, une grande partie des chrétiens des États-Unis ont des affinités avec le trumpisme. En entrevue au journal français Réforme, le théologien Stanley Hauerwas constate : «En le soutenant sans ambages, la droite religieuse et plus particulièrement les évangéliques se sont discrédités. […] Le problème, avec les évangéliques américains, est qu’ils sont américains avant d’être chrétiens, et on l’a vu de façon très nette dans leur soutien sans faille au président.» Le jésuite Thomas Reese abonde dans le même sens en soulignant que «certains responsables religieux se sont mis des œillères pour ne pas voir l’immoralité de Donald Trump, notamment sur la question de la protection des migrants, qui tient pourtant à cœur aux chrétiens». Reese voit une Église catholique américaine aujourd’hui profondément divisée, certains évêques ayant approuvé la politique de l’ex-président.
Lors de la journée honteuse du 6 janvier, le président de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis a déclaré qu’«en ce moment préoccupant, nous devons nous engager de nouveau en faveur des valeurs et des principes de notre démocratie et nous unir comme nation sous Dieu». Défendre des valeurs et des principes, ce n’est pas faire de la politique partisane. Il est bon qu’il y ait des chrétiens de tous les côtés, dans tous les partis. Mais quand des valeurs et des principes fondamentaux sont foulés aux pieds, les chrétiens ne peuvent rester muets. Or, beaucoup de chrétiens ont au contraire applaudi pendant quatre ans les dérives de la présidence Trump, une présidence outrancière, narcissique, autoritaire, méprisant les faits, la science et les institutions démocratiques.
Comment des gens qui se disent disciples du Christ peuvent-ils appuyer la haine, le mensonge, la xénophobie, un discours incendiaire, violent et diviseur? La promesse de nommer des juges conservateurs à la Cour suprême était la seule chose qui comptait? C’est là un programme politique, ce n’est pas l’Évangile. Où est l’amour du prochain, le souci du pauvre, l’accueil de l’étranger, la compassion, où est le Christ dans tout ça?
Le culte que vouent les plus fervents trumpistes à leur «sauveur» et idole (car il s’agit bien d’une forme d’idolâtrie) s’apparente à une religion, mais cette religion n’est certainement pas le christianisme. J’ignore de quel dieu venait la mission «divine» dont se croyaient investis certains assaillants du Capitole; je sais toutefois que ce n’était pas du Dieu de Jésus Christ.