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MICHAËL

BOUCHARD COSSETTE

Proposer d’autres façons de vivre sa foi

ENTREVUE par Stéphane Gaudet

          JANVIER-FÉVRIER 2022

PHOTO: PRÉSENCE/PHILIPPE VAILLANCOURT

À 30 ans, il est l’un des plus jeunes accompagnateurs spirituels accrédités au Québec, sinon le plus jeune. Et il tient à travailler dans le domaine religieux, même si ce n’est pas un milieu où l’on roule sur l’or.

Originaire du Lac-Saint-Jean, Michaël se souvient de la foi de son enfance. « C’était du genre : “Fais pas ça, sinon le p’tit Jésus va te punir.” » Une enfance pas toujours facile pour lui qui n’a pas connu ce qu’est une famille unie, un milieu stable. « Et j’avais appris de mon père que “Dieu est juste”, alors quand je connaissais des épreuves, c’est que je l’avais mérité. J’ai cru ça pendant longtemps, jusqu’à mes 12 ans environ. » Michaël ressemblait aux enfants de son âge, avec son petit groupe d’amis, son chien et ses passions (vélo, forêt, informatique, jeux vidéo).

Besoin d’être reconnu

À 12 ans, il change d’école pour commencer le secondaire et change donc de groupe d’amis. « À l’adolescence, on avait le goût d’avoir des blondes, mais moi, ça ne marchait pas. Ç’a affecté gravement mon estime de moi et ç’a duré jusqu’à mes 18 ans. » Son adolescence a été encore plus difficile que son enfance. Il ne s’aimait pas du tout et éprouvait un vif besoin de reconnaissance.

Heureusement, tout au long de cette période, une communauté religieuse masculine l’invite à séjourner chez elle de temps à autre, quand ça ne va pas. Michaël découvre là-bas son désir de devenir conférencier dans sa vie adulte. Il est bon, on le lui dit; on reconnaît qu’il est capable de faire quelque chose de bien. Et au contact régulier avec cette communauté, sa foi évolue. « J’ai appris entre autres que la Bible, on ne la lit pas n’importe comment. Les évangélistes étaient des humains qui ont traduit en mots humains leur expérience. J’ai compris Dieu autrement, plus profondément : il est Amour plus que toute autre chose. » C’est encore cette foi qu’il porte en lui aujourd’hui.

Devenu adulte, son rêve d’être conférencier cède le pas devant son intérêt pour la psychologie. Il fait donc un baccalauréat dans ce domaine, études qui lui permettent d’acquérir un bagage de connaissances sur l’être humain. Diplôme en main, il décide de commencer une maîtrise en théologie, en cours.

Missionnaire, mais laïque

Très souvent, on l’a orienté vers la vie religieuse et la prêtrise. « Ma réponse a toujours été : peut-être. J’ai essayé, j’ai passé des étés dans un monastère, mais ça n’a jamais marché. Lors de mon séjour au Mexique dans le cadre du programme Agapê­-Mission, j’ai vécu une expérience forte qui m’a fait réaliser que ma vie, c’est dans le monde. Accomplir une mission que je ne connais pas encore, mais dans le monde, et comme laïque. » Célibataire, il n’a pas abandonné son désir de se marier et d’avoir des enfants. Pour lui, la mission, ce n’est pas d’abord apporter quelque chose, « comme si je savais tout, comme si j’étais meilleur que tout le monde », c’est d’abord apprendre et savoir ce que les autres font, découvrir d’autres façons de vivre la foi.

Sa mission inclut l’accompagnement spirituel sans toutefois s’y limiter. Formé au Centre de spiritualité Manrèse à Québec, il est accompagnateur spirituel accrédité. À ceux qui pourraient penser que c’est jeune, 30 ans, pour être accompagnateur spirituel, il répond que l’important est moins une question d’âge que de vécu : « Le mien m’a poussé à acquérir une certaine maturité. » En ce moment, il accompagne deux personnes.

En outre, il travaille au Centre de formation chrétienne Agapê comme responsable du programme Agapê-Mission et des réseaux sociaux.

Monastère Web

Michaël a beaucoup travaillé sur michaelbcossette.ca, son site Web personnel. Au départ, il a créé ce site pour offrir ses services en accompagnement spirituel et vendre ses photos. Il a ensuite diversifié ses activités. Le site offre maintenant aussi une ligne d’accompagnement téléphonique, les exercices spirituels de saint Ignace sur quatre ans, l’accompagnement spirituel par l’art, le soutien technique pour la pastorale hybride, notamment comment utiliser Zoom et les réseaux sociaux dans un but pastoral, des retraites en ligne en collaboration avec l’abbaye cistercienne de Rougemont (« une forte demande pour cela »), un pèlerinage photographique et une boutique en ligne où l’on peut acheter de la musique religieuse et des cadeaux faits par des artisans québécois.

« Mon site devient un petit monastère Web! Tu peux suivre des retraites, être accompagné, prier, aller à la boutique… Je reproduis sur le Web un modèle d’affaires religieux qui marche et nourrit des millions de personnes dans le monde. »

Michaël aimerait plus tard développer ses propres retraites et en offrir d’autres prédicateurs. « Je rêve que le site devienne beaucoup plus gros, avec un nouveau nom, et soit un carrefour où des collaborateurs et d’autres organismes participeraient. Je ne veux pas être tout seul là­-dedans. La richesse que d’autres pourraient apporter me fait rêver. On a tout à gagner à avoir plusieurs visions et plusieurs offres de services. On a beaucoup de difficulté à trouver des personnes qui travaillent dans le domaine religieux, à trouver les bonnes ressources, pourquoi ne pas travailler ensemble pour créer quelque chose qui ait du bon sens ? »

Il entend souvent dire en Église que « l’avenir est dans le Web », ce qui le pique. « Non, pas l’avenir, on EST là présentement ! On se demande pourquoi on n’a plus de jeunes dans nos églises, mais à regarder les sites Web des organismes de foi, on se rend compte qu’il n’y a rien d’attrayant là-dedans. La plupart des sites Web cathos ici sont de la génération 1.0, alors qu’on est rendus à 2.0 et presque à l’aube du 3.0. C’est triste, il y a plein de bonnes offres, des choses intéressantes, des retraites jeunesse… Un jeune d’aujourd’hui regarde ces sites et se dit “ils ne vivent pas dans le même monde que moi”, ça saute aux yeux. Sur les réseaux sociaux, il faut des vidéos intéressants, comme en font les youtubeurs. Nous, trop souvent, on se présente devant la caméra en lisant un texte, ou presque. » Et vlan !

Michaël développe une plateforme moderne et agréable à l’œil sur le Web, espérant que les visiteurs y trouvent des choses qui vont les toucher.

PHOTO : STÉPHANE GAUDET

Un signe du bon Dieu

Même si l’apôtre Paul fabriquait des tentes pour gagner sa vie, Michaël a fait le choix de vivre uniquement du domaine religieux. Possible au Québec en 2022 ? « C’est difficile, assez difficile. Tout le monde qui travaille en Église doit se serrer la ceinture. Ceux pour qui ce n’est pas le cas, j’aimerais bien les rencontrer! J’ai beaucoup de moments où je suis découragé et me demande pourquoi je fais ça, mais arrive toujours un petit signe du bon Dieu qui me dit que je suis sur la bonne voie, de continuer; que je n’y suis pas encore arrivé, mais que ça va venir, que ça va marcher. »

S’il fait tout cela, c’est pour faire connaître le Dieu thérapeute, le Dieu Amour qui accueille, écoute et « passe par tout plein d’intermédiaires pour venir te parler ». C’est dans ce but qu’il développe une plateforme moderne et agréable à l’œil sur le Web, espérant que les visiteurs y trouvent des choses qui vont les toucher, de quelque façon que ce soit. « Ce n’est pas à moi de diriger le message que les personnes doivent entendre, il y a plusieurs possibilités. Pour moi, les retraites, l’accompagnement spirituel, les objets pieux ont été des chemins de guérison, alors je les propose à mon tour aux gens dans l’espoir qu’ils y trouvent un baume, sans nécessairement adhérer à tout ce que je propose. » Si ça lui a fait du bien à lui, ça peut faire du bien aux autres, pense-­t­-il.

Confiance en l’avenir

Michaël Bouchard Cossette ne croit pas que le christianisme va disparaître chez nous. « Non, je ne pense pas que ça meure, ça prendra de nouvelles formes. » Il cite le mouvement des maisonnées (partage de la Parole en petits groupes qui se réunissent dans les maisons) et croit que cela fera boule de neige. Comme le Web. « Mon rôle dans tout ça sera d’explorer, de trouver des avenues nouvelles, mais aussi d’accompagner les personnes dans ça, qu’elles arrivent à comprendre qu’il existe différentes façons de vivre sa foi. »

C’est parce qu’il a confiance en l’avenir qu’il a commencé sa formation de deux ans pour devenir animateur de pastorale. Depuis le 25 octobre 2021, il travaille comme stagiaire animateur de pastorale à la Maison de François, dans la Maison diocésaine de formation de Québec.

Ainsi, petit à petit, Michaël trace son chemin dans le milieu catholique. Mais ses rêves dépassent les frontières confessionnelles. « Aujourd’hui, les chrétiens sont le groupe le plus persécuté sur la planète. Ce serait intelligent qu’on fasse bloc, qu’on cesse de s’arrêter à nos schismes et nos divergences pour focaliser sur ce qui nous unit. Aller voir ce qui se fait ailleurs et rapporter ici ces idées et expériences peut contribuer à ça. »

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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