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Un vieil homme blessé

EN QUÊTE DE DIEU par Bianca Mailloux

          JUIN 2022

PHOTO : BIANCA MAILLOUX

La paternité prend différentes formes. Des vrais papas biologiques qui aident à grandir, des papas de remplacement qui aident à croire en soi, des hommes qui protègent et accompagnent dans la bienveillance : des profs, des entraîneurs, des amis. Bonne fête à tous les papas et à vous tous qui incarnez ce rôle dans vos réseaux.

Pardon papa

J’ai parlé l’an dernier des prêtres qui ont façonné la femme que je deviens. Je suis restée évasive sur mon père biologique parce que, comme saint François d’Assise, adolescente j’ai décidé de tirer un trait sur cette relation sans issue et surtout à mille lieues de mes convictions naissantes. Comme pour saint François, mon Père du ciel a pris toute la place, ne laissant que des regrets amers envers celui qui m’avait littéralement mise au monde. Papa, je te demande pardon.

Après mes années de cheminement spirituel, de relecture de vie, de marche aux côtés de Simone Pacot, mon regard s’est transformé pour voir en mon père un vieil homme qui aura été blessé toute sa vie. Je ne suis pas rendue à lui rendre hommage, mais je peux reconnaître que son chemin a été difficile et qu’il n’a pas su comment être le père aimant dont j’avais besoin.

Toi qui as souffert

Âgé de 87 ans, il n’a lui-même pas connu de foyer aimant. Il a été élevé sur une terre agricole, mais il n’aimait pas tellement la nature. Il a été envoyé en pensionnat dès 12 ans et il a manqué de chaleur humaine. Ses parents l’ont inscrit au noviciat parce que son grand frère était déjà un homme d’Église, mais lui n’en avait rien à faire; comme le petit n’aimait pas la terre, autant l’envoyer ailleurs ! Autrement dit, personne n’a donné de crédit à ce qu’il pensait, à ce qu’il était. En sortant du noviciat, avant d’être ordonné – vous aurez compris –, il a entrepris des études à une école d’agriculture et a été envoyé en Gaspésie, là où il a rencontré ma mère. Il est ensuite devenu un homme d’affaires plutôt prospère. Toute sa vie durant, il aura le sentiment de ne pas être à sa place. Ses frères se moquant de lui parce qu’il « poussait un crayon »; ses collègues se moquant de lui parce qu’il venait de la campagne. Sérieusement, avec le recul, j’ai un certain respect pour son audace et sa résilience.

Depuis près de 10 ans, il est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il ne me reconnaît plus depuis longtemps; il ne sait plus comment vivre. Il est un tout petit homme enfermé dans son corps et je crois bien avoir assez d’Amour en moi pour tout oublier du passé. Toi qui as souffert, je prends ta main. Tu ne me connais pas et malgré tout, je t’aime.

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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