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100e anniversaire

du pont des Chapelets

« Venez voir ce pont »

BILLET DU SANCTUAIRE par René Beaudoin

 Historien responsable des archives et des collections au Sanctuaire

           JUILLET-AOÛT 2024

Les survivants parmi les hommes
ayant travaillé au pont de glace de 1879
lors de l’inauguration du pont des
Chapelets le 15 août 1924.

PHOTOS : ARCHIVES DU SANCTUAIRE-NOTRE-DAME-DU-CAP

Les survivants parmi les hommes ayant travaillé au pont de glace de 1879 lors de l’inauguration du pont des
Chapelets le 15 août 1924.

Il y a cent ans, le 15 août 1924, était inauguré le pont des Chapelets, l’actuelle structure commémorative qui permet de traverser la rivière Faverel près du Petit Sanctuaire. Il a été érigé, disaient les gardiens du Sanctuaire, pour rappeler aux générations futures le prodigieux pont de glace qui s’était formé sur le fleuve en mars 1879 pour traverser les pierres nécessaires à la construction de la nouvelle église paroissiale du Cap. Ils soulignaient que cet événement de 1879, réalisé sous la protection de Marie et de saint Joseph, marquait l’origine des pèlerinages au Sanctuaire Notre‐Dame‐du‐Cap.

Ce pont de 1924 s’inscrit dans un vaste programme d’aménagement des jardins du Sanctuaire qui s’étendra sur une quarantaine d’années, en commençant par la voie douloureuse en 1896-1900 et se poursuivant avec le chemin du Rosaire en 1905-1910, les nouvelles stations du chemin de croix en 1913­-1916 et le nouveau calvaire en 1916. Ces composantes étant complétées, le projet d’un pont commémoratif est lancé en mars 1917 par une campagne de financement.

TOUS LES DONS SONT NÉCESSAIRES

Depuis quelques mois, l’idée faisait son chemin et recevait un bon accueil. Le mandat a été confié à l’architecte Aristide Beaugrand-Champagne. Les Oblats avaient précédemment songé plutôt au sculpteur Louis-Philippe Hébert, à qui ils devaient déjà les trois statues de la façade de l’église paroissiale, mais il était malade; il est décédé en juin 1917. En juillet, Beaugrand-Champagne fait le relevé du terrain. En octobre, il présente une ébauche de plan. Le projet est approuvé en janvier 1918. Puis durant deux ans, rien ne semble avancer et la souscription semble suspendue. En juin 1920, elle est relancée timidement, sans doute pour rassurer les personnes qui avaient déjà contribué financièrement. Les Oblats répètent que l’architecte se fait attendre. En mars 1921, la campagne redémarre à pleine cadence dans les Annales, qualifiées de « mendiantes bénies ». Tous les dons sont nécessaires, « quand même votre aumône ne correspondrait qu’à l’humble grain de sable perdu dans le mortier ». En avril, « la superstructure du futur pont des Chapelets [est] disséquée en items nombreux » pour faciliter son financement : les 64 poutres composant le tablier du pont requièrent 20 $ chacune, les 16 faces des quatre pylônes sont à 200 $ chacune, etc. En les additionnant, les besoins totalisent quelque 14 000 $, dont 20 % sont déjà recueillis.

Le pont commémoratif comporte deux statues. Sara Deschesnes, de Cap-de-la-Madeleine, paie celle de Marie. L’actuel boulevard Thibeau porte le nom de son mari Valère Thibeau. Un donateur anonyme de Woonsocket, au Rhode Island, paie celle de saint Joseph.

À l’été 1921, le tiers de l’objectif était atteint. À l’hiver, l’objectif est réduit à 12 000 $. Les deux tiers sont amassés. Au printemps 1922, les trois quarts sont confirmés, mais c’est encore insuffisant pour commencer les travaux. Des collectes sont faites durant les pèlerinages et dans des paroisses. Les dons entrent à un rythme régulier.

L’INAUGURATION

Le 9 février 1924, le marché de construction est signé avec U.-Wilbrod Rousseau, entrepreneur général du Cap, pour un montant de 17 000 $. Dès avril, les travaux commencent. Le 25 mai, à l’ouverture de la saison des pèlerinages, 900 pèlerins venus de Sorel seront les premiers à passer sur le pont presque achevé. Puis dans le numéro d’août, le rédacteur des Annales lançait l’invitation aux abonnés: « Venez voir ce pont. »

Le 15 août, quelque 10 000 personnes ont assisté à l’inauguration du pont par l’évêque, Mgr François-Xavier Cloutier, « mitre en tête et crosse en mains », en présence de Mgr Louis-Eugène Duguay, vicaire du Cap en 1879, qualifié de « héros de la fête », et des autres survivants qui, en 1879, avaient pris part à la formation du pont de glace et au transport de la pierre. Les organisateurs croient qu’il est passé près de 25 000 personnes durant la journée. L’annaliste écrit : « Chiffre vraiment considérable si l’on tient compte que la fête eut lieu un vendredi, que les ouvriers étaient retenus à l’usine et les cultivateurs dans leurs champs pour sauver la récolte de leur foin, et qu’à raison des taux inabordables des compagnies de chemin de fer et de bateau, pas un seul pèlerinage n’avait été organisé à l’occasion de la fête ! » L’entrepreneur Rousseau et l’architecte Beaugrand-Champagne sont présents. La signature du premier est sur le pont, mais pas celle du second. « [Ses] plans ont été refaits parce qu’inacceptables à cause de la fondation, ce qui lui a enlevé le droit de faire mettre son nom sur le pont », se souvient le frère oblat François-Xavier Pelletier en 1950.

Les travaux ont commencé en avril 1924.

UN EX-VOTO

Derrière cette construction se cachent les joies et les peines des centaines de donateurs provenant du Québec, des autres provinces canadiennes et des États-Unis. Les uns ont contribué pour 10 cents (valeur de 1,50 $ aujourd’hui), d’autres jusqu’à 250 $ et plus. L’abbé Louis-Eugène Duguay a versé 500$ (soit 8000 $ en dollars de 2024). Les motivations des donateurs sont variées. Plusieurs d’entre eux ont voulu souligner une faveur obtenue par l’intercession de Notre-Dame du Cap, comme la guérison d’une fillette à Champlain ou l’exemption du service militaire de trois fils de Saint-Wenceslas. D’autres accompagnaient leur don d’une demande, comme celle de la vente d’une propriété pour cette dame d’Alberta, ou du maintien de la santé d’un abonné de Somersworth dans le New Hampshire « afin de travailler pour soutenir mes parents ».

En quelque sorte, ce pont commémoratif est un ex-voto. Et il témoigne du rayonnement de la dévotion à Notre-Dame du Cap.

Fondée en 1892 par le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m.

Magazine d’information religieuse et de vie spirituelle, publié 10 fois l’an, en association avec la mission du Sanctuaire Notre-Dame-du-Cap.

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