N D C

c h a r g e m e n t

Susciter le désir de Dieu

MGR PIERRE GOUDREAULT

Par Jérôme Martineau

Entrevue de Mgr Goudreault, évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, pour la revue NDC

Photo: COURTOISIE

Évêque du diocèse de SainteAnne-delaPocatière depuis le 10 mars 2018, Mgr Goudreault fait partie de la nouvelle génération d’évêques nommée par le pape François. Sa formation intellectuelle et son expérience pastorale se conjuguent au service de l’Église d’ici.

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é en 1963 à Rouyn-Noranda, Pierre Goudreault a fait des études en administration avant d’entrer au séminaire en 1984. Il a été ordonné prêtre en 1991 et a obtenu un doctorat en théologie en 1998. Il a occupé divers postes comme curé dans le diocèse de Rouyn-Noranda.

Vous avez écrit un livre qui a pour titre Se convertir à l’Évangile. Pourquoi est‐ce si important aujourd’hui?

Je voulais approfondir l’appel que le pape François nous lance dans l’exhortation apostolique La joie de l’Évangile. Le pape utilise des mots nouveaux pour nous parler de la mission. Il fait retentir l’appel pour que les chrétiens prennent le chemin de la conversion afin de demeurer des disciples-missionnaires habités de la joie de l’Évangile. Le pape parle de plusieurs niveaux de conversions tant au plan personnel que pour la communauté chrétienne. Je crois que le Christ nous appelle tous à changer des aspects de nos vies et des manières d’annoncer l’Évangile.

Vous utilisez à plusieurs reprises dans votre livre l’expression «disciple‐missionnaire». Quel sens lui donnez‐vous?

La réalité du disciple-missionnaire s’enracine dans notre cheminement de foi, spécialement dans les sacrements de baptême et de confirmation. Il y a dans le sacrement de baptême un appel à devenir l’ami de Jésus. C’est le sacrement de l’éveil à la vie chrétienne. Le sacrement de confirmation confirme l’envoi en mission et l’appel à devenir missionnaire. Il est normal qu’on n’en prenne pas pleinement conscience lors de la confirmation. Le germe est posé en nous et nous pouvons progressivement nous éveiller à la mission que le Christ nous a confiée à travers nos talents. Être disciple de Jésus est une dimension inséparable de notre mission d’annoncer l’Évangile.

Vous ne croyez pas que l’Église en demande beaucoup à ses fidèles qui sont pour une grande majorité des gens âgés?

Je conçois cela, mais je dis qu’être disciple-missionnaire peut se vivre à tous les âges, selon nos talents. Chaque personne a une place à part entière dans la mission. Je pense à nos frères et sœurs aînés. Ils ont donné un témoignage de fidélité et ils sont encore capables au soir de leur vie d’être des témoins de Jésus Christ. Il y en a qui ont encore la force d’être engagés. Ceux qui sont affaiblis peuvent être missionnaires par l’offrande de leur vie et leurs prières. Nous avons besoin des uns et des autres.

Quel est le rôle de l’évêque dans le climat actuel de l’Église?

Je n’ai pas cessé d’approfondir ce rôle depuis que je suis devenu évêque. Le mot évêque vient du mot grec episkopos qui veut dire «surveillant». C’est celui qui veille à la garde. Il a la garde de la communauté. Ce mot est fort, mais il limite la richesse de la mission de l’évêque. Il faut l’enrichir avec un autre mot. Il s’agit du mot episkeptomai qui signifie «la visite de Dieu». C’est très beau. Les évangélistes reconnaissent que Dieu nous a visités pleinement par la personne de Jésus Christ.

Le ministère de l’évêque consiste à favoriser cette visite de Dieu. Cela se vit de trois manières: la proclamation de la Parole de Dieu, la célébration des sacrements et la bonne gouvernance du diocèse. Comme évêque, j’essaie de me faire proche des communautés chrétiennes. Je fais des visites pastorales prolongées. Je vais célébrer le dimanche dans diverses communautés. Je me suis rapproché des prêtres. Je consacre une journée par mois pour rendre visite à des prêtres seuls ou malades. Je pense aussi aux familles. Nous avons la chance dans le diocèse d’avoir des projets jeunesse. J’ai le souci d’accompagner les gens à découvrir l’Évangile.

Vous parlez à quelques reprises d’une conversion pastorale qui s’exprime dans une culture de la rencontre. Qu’est‐ce à dire?

Je fais toujours la différence entre la conversion pastorale et la conversion missionnaire. La conversion pastorale s’exprime d’abord dans la conversion des attitudes. Je porte cette question: comment rendre nos activités pastorales plus missionnaires? Cette question touche d’une manière spéciale la catéchèse et la préparation aux sacrements. Nous accueillons des gens qui viennent de tous les horizons. Les uns ont un cheminement de foi alors que d’autres n’en ont pas. Comment adapter notre langage et nos approches pour qu’elles soient plus accueillantes?

La conversion missionnaire, pour sa part, nous sort de notre confort et de nos habitudes pour aller plus vers l’extérieur. Le pape François pose cette question: comment aller à la rencontre de personnes qui sont devenues étrangères à Jésus Christ? Comment être témoins auprès des jeunes et des familles? Comment entrer en contact avec nos aînés, un groupe vulnérable et négligé durant la pandémie? Comment favoriser la rencontre via les réseaux sociaux, car les gens ne viennent plus cogner à la porte des presbytères? Voilà des questions auxquelles nous devons trouver des réponses.

Vous avez déclaré il y a deux ans un moratoire sur le processus de préparation aux sacrements. Pourquoi un tel geste?

Les églises ont été fermées en mars 2020 au début de la pandémie. Il était impossible de se rassembler pour faire de la catéchèse. C’est à ce moment que la décision a été prise. La décision touchait les groupes de jeunes qui se préparent aux sacrements de l’eucharistie, du pardon et de la confirmation. On regrette que cela se termine sitôt les sacrements reçus. La pause a duré un an. Nous avons travaillé avec les catéchètes, les parents et les prêtres. Nous avons discerné une nouvelle manière de faire.

Nous avons mis en place une démarche intergénérationnelle. Nous valorisons le rôle des parents. Il y a des échanges en petits groupes. Des moments de prière et d’animation sont proposés. Ces éléments visent à permettre une rencontre avec Jésus Christ.

"Être disciple-missionnaire peut se vivre à tous les âges, selon nos talents. Chaque personne a une place à part entière dans la mission."

Comment est‐il possible de rendre le Christ désirable pour nos contemporains?

Il ne s’agit pas seulement de faire des activités pastorales pour en faire. Je pose cette question face à nos initiatives: est-ce que nos actions peuvent susciter dans le cœur de l’autre le désir de Dieu? La réponse à cette question passe par un examen de ce que je peux changer dans mes attitudes. Je pense qu’un des chemins passe par le témoignage de vie. L’Église est née par le témoignage des premiers disciples. Il ne faut pas oublier que le témoignage a un impact extraordinaire dans l’éveil de la foi.

Un autre aspect réside dans la Parole de Dieu. Si on veut donner une chance au rayonnement du Christ vivant dans notre monde, il est important de favoriser davantage l’éveil à la Parole. Il y a chez nous des groupes de maisonnée qui s’organisent autour de quelques personnes pour ensemble comprendre et vivre le message de Jésus.

Quelles sont vos préoccupations dans la situation actuelle de l’Église du Québec?

Je vois cinq préoccupations majeures. Il faut d’abord trouver ensemble des chemins pertinents et ajustés pour annoncer l’Évangile au monde d’aujourd’hui. La société québécoise est sécularisée. Je réfléchis sur la manière d’entrer en dialogue avec la société. Les communautés chrétiennes seront-elles le sel de la terre?

Ma deuxième préoccupation concerne les jeunes. Comment être présent auprès des jeunes familles. Le diocèse vient d’engager un agent de pastorale pour la mission jeunesse. Cet agent de pastorale est chargé de développer des projets et des équipes. Les jeunes sont la vitalité de demain.

Je porte le souci de la relève pastorale. Qui remplacera les agents de pastorale qui sont présentement actifs? Qui prendra la relève des prêtres? Comment animer les communautés chrétiennes de demain?

Je pense à l’avenir des communautés paroissiales sur notre territoire. Nous avons de petites communautés qui ont hérité de grosses églises historiques difficiles à entretenir. Il faudra accompagner les communautés tant sur le plan pastoral que financier.

Nous vivons un dépouillement voire un appauvrissement. Une nouvelle Église est en train de naître. Malgré cela, mon espérance réside dans le fait que le Christ marche avec nous. Nous ne sommes pas les seuls à traverser une crise. Il faut saisir ce moment pour s’arrêter et revisiter nos manières d’être et de faire afin de rester fidèles à l’Évangile.


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